Insensé qui ne fait pas mieux que son Père

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Le système d’évacuation d’eau des nouveaux bâtiments R+ est encastré dans les mûrs et bouché. Les mûrs pourrissent et transpirent une odeur d’humidité permanente dans les dortoirs adjacents.
Ankatso II, bâtiment R+ garçon

«Bloc 9, cité Ambohipo. beaucoup de choses ont besoin d’être réparées car nos logements universitaires sont foutu … que ce soit Ankatso ou Ambohipo #urgent » une publication sur facebook par un étudiant de l’Université d’Antananarivo mi-février 2018.

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À gauche, un couloir improvisé en salle de coiffure et à droite, une chambre de 6 m2 abritant une famille de 5 individus.Ambohipo

Antananarivo abrite l’université principale de Madagascar, un emblème architectural bercé dans une vallée. À côté, la première unité de résidences appelée Ankatso accueille 994 étudiants. Les conditions intérieurs sont difficiles et dangereuses, mais les étudiants n’ont ni le choix ni de voix.

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La vie s’organise tant bien que mal pour les étudiants. Ambohipo
A défaut d’un vrai restaurant universitaire, les chambres sont parfois transformées en gargote. Un privilège attribué à certains employés de l’université.
Raissa 30ans Vontovorona.

Ankatso est au sommet d’une colline, un labyrinthe bien conçu de chambres, d’escaliers, de salles, d’une cantine et des toits-terrasses qui offrent au visiteur une vue magnifique sur les vallées voisines, les collines et les marais. Le projet a été réalisé par un célèbre architecte – Roland Simounet – en 1970 afin d’accueillir 400-500 étudiants.

La cité universitaire a grandi depuis, chacun des présidents consécutifs de la république excepté M. Hery R. a ajouté ou a inauguré un nouveau site ou bâtiment, aucun correspond à l’architecture originale ni aux normes.

Mino 20ans, étudiante en Génie Chimique. Vontovorona Ravaka 22ans, étudiant en science naturel. Ambohipo

CROUA (Centre Régional des Œuvres Universitaires d’Antananarivo) gère les six sites d’hébergement actuels. Dans tous les sites, la mauvaise gestion est évidente, les toilettes sont bouchées, les tuyaux fuient, l’accès à l’eau est limité, les câblages électriques au branchements hasardeux sont partout, les murs délabrés pourris et les portes cassées. Les étudiants attendent un calendrier de maintenance pas encore annoncé.

Les va-et-vient des sceaux d’eau rythment la vie des résidents. Les coupures d’eau sont fréquentes et les sources éloignées. Malgré les difficultés, Rova 26 ans étudiante en mathématique, trouve le temps pour prendre soin de son petit espace vert. Ankatso I, Bloc Paradisa

Un président d’«étage» ou de «secteur» est un étudiant qui rend compte au CROUA du nombre et des conditions des habitants d’un secteur ou d’un étage. Il/Elle est choisi(e) par les résidents et devient le référent à qui soumettre les plaintes. De plus, il applique les règles établies par le président du «bâtiment», le CROUA, et le président de la «tribu» respective.

Un président de tribu est un étudiant qui représente son ethnie ou sa région dans les logements. Il/Elle rapporte le nombre et les conditions de son groupe au CROUA, le président du bâtiment et l’association de la tribu à laquelle il appartient.

Une cuisine flambant neuf de 70 m2, un évier déjà bouché, 3 prises de courant seulement pour 80 étudiants et un CROUA sans budget de maintenance. Pas étonnant si les étudiants improvisent et finissent par détruire les lieux. Ankatso II, bâtiment R+ fille Diviser pour mieux régner ! La ségrégation ethnique est bien présente dans les résidences universitaires d’Antananarivo. Les blocs sont divisés par ville, région ou tribu. Ambatomaro

La relation hiérarchique entre les étudiants, le CROUA, le président d’étage, le président d’immeuble, le président de tribu, le président des étudiants, l’association et son président n’est pas encore claire.

Pour partager une chambre ici, le prix par lit varie de 7,000ar (1,8euros) à 80,000ar (20euros) par an versés au CROUA. Pour louer une chambre, un pot-de-vin unique à un président et ses complices de 3,000,000 à 5,000,000ar est indispensable. 27% des résidents actuels sont des squatteurs qui étaient étudiants ou en relation avec un autre.

Les étudiants ne se plaignent pas. Certains sont contents, beaucoup ne parlent pas par peur de perdre leur refuge, d’autres sont contraints de se taire, tandis que quelques-uns ont essayés une fois et ont abandonné …

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” Ambatomaro est à 30mn de marche de l’université, il n’y a pas de bus. Ici L’eau est coupée toute la journée et il faut attendre la nuit pour pouvoir remplir les bidons”
Faniry 20ans, étudiante en Gestion Ambatomaro
Le but c’est de finir les études mais la dure réalité des cités ralentit les étudiants. Vontovorona

C’est une habitude pour un journaliste d’être émotionnellement neutre sur le sujet d’étude, mais au milieu de la puanteur des toilettes bouchées et de l’enchevêtrement des fils et l’embouteillage des bidons d’eau, il était impossible d’accepter la réponse: “c’est normal, c’est Madagascar “.

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Les résidents ont carrément disjonctés. Une installation électrique fait maison qui risque à tout moment de court-circuiter. Ankatso I, Bloc Révolution

Normal c’est ne pas risquer votre vie à chaque fois que vous branchez la cuisinière électrique pour préparer le dîner. Normal c’est ne pas accepter de se faire cambrioler sur le campus. Normal c’est dormir sous un toit sûr qui ne s’effondrera pas. Normal c’est d’avoir le sens d’appartenance de l’espace partagé, faire le nécessaire pour le maintenir comme à la maison, et transmettre à la prochaine génération.

 Antananarivo © 2018

[un travail et message collaboratif avec Safidy Andrianantenaina]

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