La Route De La Discorde

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La nouvelle route qui traverse les marais de Laniera, à l’est de l’aéroport international d’Ivato, devrait être bientôt inaugurée. Une prouesse technologique estiment certains, vu la rapidité d’exécution. Un véritable scandale, clament les centaines de riverains qui se sont vu déposséder de leurs terres.

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For Madame Lala and her family, the promise of a better future awaits to be fulfilled and remains in the hands of an unknown entity

C’est à Andrianampoinimerina, connu pour son génie bâtisseur, qu’on doit ce système de drainage des eaux pluviales qui correspond aux marais de Laniera. Techniquement, un marais est une zone de basse terre inondée durant les saisons humides ou les marées hautes mais qui reste gorgée d’eau le reste de l’année. Les marais de Laniera sont ainsi le point le plus bas de la capitale qui leur doit de ne pas se retrouver sous les eaux en été, en même temps qu’ils fertilisent de leur limon les rizières en aval.

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Heavy weight machinery round the clock passes a fisherman’s home.

La vieille route qui descend vers les marais est plutôt agréable, mais pas en voiture. Jour et nuit des poids lourds et bulldozers la sillonnent s’affairant à la construction d’une voie parallèle. Cela ne semble pas déranger les habitants outre mesure. Malgré le banc qui vibre au passage des engins, le propriétaire d’une gargote et ses habitués semblent heureux de cette nouvelle route, signe tangible du développement tant attendu.

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Size does matter, the contractor’s fault is no child play. For the residents of Laniera every centimeter of land counts in grains of rice.

Cependant, quelques kilomètres plus loin, c’est un tout autre scénario avec ces banderoles de protestations imprimées en lettres rouges au mur du fokontany (centre administratif de quartier). Elles émanent de plus de 300 familles (six personnes par foyer en moyenne) qui se trouvent gravement lésées par tout ce chantier. La route devant être achevée pour novembre, tout a été fait dans la plus grande précipitation, au risque de nombreuses erreurs et irrégularités.

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The customary law in Madagascar has many loopholes which the strong can abuse.

Noro est effondrée : « J’ai concédé les deux tiers de ma terre pour la construction de cette route, mais une fois que mes rizières ont été enterrées sous deux mètres de gravats, ils ont décidé d’abandonner ce tronçon pour un autre. » En outre, ce qu’elle ne savait pas en outre, c’est qu’en donnant généreusement sa terre, elle a perdu tout droit dessus ! En effet, les parcelles concédées par les riverains ont été depuis vendues – à qui ? nul ne le sait. « Des parcelles de 10 hectares ont été vendues tout le long de la route par une entité inconnue et étrangère », affirme M. Rakotoanosy. Même constat désespéré pour Jean-Pierre, président de l’association Laniera secteur 12 : « Ma famille cultive cette terre depuis plus de cinquante ans et aujourd’hui nous n’avons plus rien. Comment a-t-on pu vendre une terre qui est à nous légalement ? »

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Out of place

Le président du fokontany a beau faire valoir qu’avec la nouvelle route, on pourra ouvrir de nouveaux commerces pour alimenter la capitale en poissons, crevettes, riz et légumes, la colère est palpable. Jusqu’à ce jour, le tribunal refuse de délivrer les noms des acheteurs de ces lopins de terre et de ceux qui ont autorisé leur vente. En ce qui concerne Noro, l’entreprise de construction n’a pas encore reconnu son erreur et aujourd’hui elle se demande de quoi demain sera fait ?

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Madame Noro as she waters the rubble that took over her land.

La nouvelle route sera inaugurée prochainement. Certains rentreront chez eux plus riches, d’autres n’auront plus rien.

Anatananarivo 2016 ©

{ Un travaille et message collaboratif avec Safidy Andrianantanaina }

 

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